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Axe 2

Axe 2 | Archéologie des sociétés sédentaires et des pasteurs nomades de l’Ancien Monde (Proche et Moyen-Orient, Europe, Afrique) – ASEPAM

L’objectif de cet axe est de documenter les mécanismes et les modalités de la mise en place des premières sociétés sédentaires, agraires ou pastorales et leurs évolutions au long cours dans différentes aires géographiques clés de l’Ancien Monde (Proche et Moyen-Orient, Afrique du Nord et sub-saharienne, Europe) où sont fortement investis les membres de l’UMR par des directions de terrains ou des programmes de recherche. Les trois premiers sous-axes ont une orientation chronologique. Ils questionnent (1) l’émergence, la consolidation ou l’instabilité de la sédentarité qui apparaît dès la fin du Pléistocène au Proche-Orient ; (2) les modalités et rythmes différents des « néolithisations » dans les trois grandes aires ; les processus en jeu sont nécessairement polymorphes et invitent à une réflexion croisée sur les concepts interprétatifs que l’on utilise et sur les critères qui les fondent ; (3) les développements aux âges des métaux, l’évolution des configurations sociales et les cycles d’expansion ou d’érosion des réseaux d’échange socio-économiques. Le quatrième sous-axe (4), transversal et exploratoire, résolument ancré dans l’esprit de réflexion collective, propose un questionnement autour de la notion d’Anthropocène et sur ce que les sociétés sédentaires, agraires et pastorales ont changé dans les façons d’habiter le monde : structuration de l’espace, du temps, et rapport aux non-humains.

Ce sous-axe s’intéresse aux sociétés de chasseurs-cueilleurs sédentaires. Parmi les plus anciennes, les sociétés natoufiennes du Proche Orient (fin du Pléistocène / 13500-9500 Cal BC) servent ici de matière à penser collectivement l’interaction de plusieurs systèmes techniques et symboliques engagés dans une dynamique nouvelle de domestication des milieux. C’est autour du site emblématique d’Eynan – Ain Mallaha (Israël), fouillé entre 1955 et 2005, que l’essentiel du travail collectif est fourni. Le site est localisé dans la vallée du Houleh, au carrefour de niches écologiques exceptionnelles qui ont favorisé son occupation pendant toute la durée du Natoufien. Ainsi, Mallaha sert de laboratoire privilégié pour appréhender le processus de sédentarisation dans sa longue durée à travers différents proxies que sont l’architecture, l’occupation du sol, l’exploitation du territoire et de ses ressources, les productions techniques et symboliques et les comportements funéraires. La qualité des archives disponibles (Fonds J. Perrot ; F. Valla) permet une relecture du site toujours renouvelée au fil du débat scientifique. La fouille aux objectifs résolument palethnologiques menée sous la direction de F. Valla et H. Khalaily offre une précision incomparable de données finement contextualisées pour la toute fin du Natoufien qui, dans sa phase finale, fournit une occasion unique de saisir le substrat social et les modalités du basculement des sociétés proches-orientales vers le Néolithique.

Fort de cette expérience natoufienne, ce sous-axe offre une dimension comparative idéale pour interroger les modalités de sédentarité au long cours, composante essentielle du mode de vie d’autres sociétés de chasseurs-cueilleurs. On s’attachera ici à questionner le cas des derniers groupes mésolithiques européens littoraux, celui des premières communautés dites néolithiques du Proche Orient mais encore essentiellement dépendantes des ressources sauvages (PPNA) ou encore le cas des néolithiques qui migrent rapidement vers l’Europe à partir du VIIème millénaire. Dans ces configurations historiques multiples, les oppositions habituelles (nomadisme/sédentarité, agriculture/chasse et cueillette) peinent à décrire le spectre possible des configurations intermédiaires. Il sera ici question de rendre compte de la diversité des pratiques liées au stockage, à la gestion des populations animales et végétales sauvages, à la saisonnalité ou la production des lieux, à même d’éclairer les transformations à l’œuvre dans de telles dynamiques socio-économiques.

 

Dans ce sous-axe, il s’agit tout d’abord de documenter les mécanismes de la mise en place du Néolithique dans des aires culturelles clés (Proche-Orient, Afrique du Nord et sub-saharienne, Europe) à l’appui de tous les documents étudiés, que ce soient les diverses productions, l’architecture et le mode d’habitat, les territoires et leur exploitation, les pratiques funéraires, etc. Cette riche documentation doit permettre de contribuer à l’identification des spécificités, propres à chaque aire culturelle, étudiant par une approche croisée et synthétique, les thématiques de l’évolution du système technique et de la transition des économies de subsistance. Par exemple au Proche-Orient, le VIIème millénaire que beaucoup de chercheurs décrivent comme une période de rupture nette liée à l’arrivée de nouvelles populations de potiers, cristallise aujourd’hui les problématiques scientifiques autour de la question des discontinuités. À travers plusieurs terrains (Beisamoun, Munhata, Sha’ar haGolan, Nahal Zippori 3), les membres de l’axe 2 sont impliqués dans une réflexion sur l’approche de ces hiatus construits ou réels qui pourra être partagée aux autres contextes. Dans la mesure où nous sommes impliqués sur des terrains différents, la contribution des chasseurs-cueilleurs locaux au développement du Néolithique fera l’objet d’un éclairage inédit. Ainsi la notion de « paquet néolithique », qui prend racine au Proche-Orient et se transfère à l’Europe, ne s’applique pas à l’Afrique où les différentes régions témoignent de l’acquisition de la domestication et de la poterie à des rythmes variés selon des processus d’intégration et d’aménagement économiques et culturels divers (travaux de l’IRN-DECAPAN). Si l’évolution vers le pastoralisme marque le Néolithique proche-oriental et africain il est plus tardif en Europe balkanique (Franchti) et tempérée (Céramique Linéaire). Enfin, il est proposé d’élargir encore davantage la perspective, en intégrant d’autres travaux sur des régions lointaines, comme ceux sur le Formatif récent de l’Atacama à Tulán (Chili), qui témoigne d’étonnantes analogies avec l’Ancien Monde lors de la mise en place du Néolithique.

Ce sous-axe rassemble les travaux dédiés aux sociétés récentes développant la maîtrise de la métallurgie. Des transformations sociales importantes engendrent alors de nouvelles interactions, amenant à tisser des réseaux d’échanges aussi diversifiés dans leur nature et leur rayonnement géographique que dans les acteurs impliqués et les stratégies mises en œuvre par les élites. De la Corne de l’Afrique à l’Afrique Centrale et l’Afrique de l’Ouest, de l’Asie du Sud-Est à l’Indus, du Proche-Orient à l’Europe, la volonté est ici de comprendre l’origine, la nature, l’organisation et les conséquences de ces transformations sociales se développant selon des dynamiques régionales variées. Les questions majeures sont centrées sur les matériaux, les traditions techniques et les innovations, mais aussi les économies, les circulations des objets et des idées ainsi que les organisations politiques. Les continuités, les discontinuités et les transitions rythmant le passage des cycles d’interactions privilégiées au sein des cultures et/ou entre cultures. Sous l’influence plus ou moins importante des élites, certains cycles conduisent à l’expansion et la diversification des réseaux, l’exploitation plus intensive des ressources naturelles, la circulation des surplus alimentaires, jusqu’au bouleversement des trajectoires évolutives des traditions techniques. D’autres cycles marquent l’érosion du pouvoir, engendrant des conséquences sur les sociétés, les équilibres en place et les paysages transformés. Ces rythmes touchent de fait la question des identités des acteurs et, à partir d’elle, l’étude de la circulation d’individus, de groupes ou encore d’idées au sein de territoires qu’il reste à définir précisément. Cette relecture nécessaire des espaces et de leurs temporalités par une approche anthropologique s’appuyant sur la diversité de la culture matérielle (métallurgie, poterie, industries lithique et osseuse, architecture, etc.) nous permet d’explorer aussi le cœur des sociétés. À la fois dans leur quotidien, à partir du rapport entre le producteur et le consommateur, entre manières de faire et fonction de l’objet fini ; mais aussi la fonction des sites naturels ou édifiés, afin de toucher la sphère domestique, celle des spécialistes ou du pouvoir et de ses symboles.

La notion d’Anthropocène mobilise des échelles de temps inédites dans l’analyse historique et place le Néolithique avec son cortège de bouleversements économiques, démographiques et techniques au cœur du débat public contemporain sur les racines de la crise écologique actuelle. Indépendamment de la pertinence de la notion même d’Anthropocène ou de sa transposition à des périodes anciennes, ce sous-axe transversal, entend répondre au défi intellectuel que représente la mise en cause de l’opposition moderne entre Nature et Culture en interrogeant la variabilité des façons de structurer l’espace et le temps, de socialiser avec les non-humains (animaux, végétaux, monde minéral, esprits) ou de façonner le paysage. La gageure sera d’en explorer les manifestations archéologiques les plus robustes pour mieux appréhender les modalités passées d’habiter le monde, d’humaniser les milieux, et la transformation de ces rapports d’interdépendances dans la longue durée. Il y sera notamment question de frontières, physiques et symboliques, et de leur perméabilité à la faveur d’actions menées selon des normes socioculturelles que l’on cherchera à identifier. Trois champs d’analyse exploratoires seront ici investis : (1) Anthropisation des espaces et des sols (bâti, village, paysage). À travers l’analyse des techniques et des formes architecturales, de la structuration des espaces habités et de leurs marges (routes, cultures, pâturages, cimetières, lieux de culte, etc.), il sera question de l’ancienneté de l’empreinte laissée par l’Humain sur son environnement physique pour y ériger repères spatiaux, sémantiques et mémoriels ; (2) Sphères « sauvage » et « domestique » (usages, hybridités, représentations). La diversité des modes d’exploitation de l’environnement et leur répartition dans le territoire sera ici abordée à travers l’ensemble des matériaux disponibles (terre, pierre, os, coquillages, pigments, végétaux, métaux), sélectionnés (la partie/le tout), transformés ou bruts, et leur distribution contextuelle (habitat, rejet, sépultures, etc.) ; (3) Esprits, ancêtres, divinités (frontières des mondes, pratiques rituelles, transmission et pouvoirs), où il sera question des relations entre les vivants et l’invisible. Les représentations d’êtres transmorphes ainsi que la matérialité des sépultures invitent à s’interroger sur les normes qui sous-tendent de telles mises en scènes picturales ou matérielles. À travers leur emplacement et leur réalisation, elles questionnent le rôle de chacun dans la construction de l’autorité et de la mémoire collective.

Liste des programmes de recherche en cours

  • North African Rock Art under new light: A Palaeosociology of the last Hunter-Gatherers and first Pastoralists (H2020-MSCA-COFUND-IF@ULB)
    2019-2021
    Autres contrats européens (IF@ULB, Marie Skłodowska-Curie grant agreement No 801505)
  • Prehistoric Worldviews: An archaeology of relational ontologies in North African rock art
    2021-2022
    Autres contrats européens (Marie Skłodowska-Curie grant agreement No 945408) + ANR (“Investissements d’avenir” ANR-11-LABX-0027-01 Labex RFIEA+)
  • Étude des parures du site de Franchthi, Grèce
    2006-en cours
    PreTech
    Financements ANR, INSTAP dans les années précédentes
  • CERASTONE : De la vaisselle en pierre à la céramique : Rythmes, causes et modalités d’une adoption tardive de la poterie au Levant Sud (7ème millénaire)
    2020-2024
    ANR
  • iNSTaNT
    Solène Denis, Gomart L.
    2019-2021
    AP MAE/MSH Mondes
  • PCR : « Matières premières du Bassin parisien : les silex cénozoïques d’Ile-de-France » (Interrégion Centre-Nord )
    2018-en cours
    Ministère de la Culture
  • Conservation of the world’s largest earth enclosure: LIDAR analysis, documentation and preservation of Sungbo’s Eredo (Ambassadors Fund for Cultural Preservation)
    2019-2021
    Contrats financés par des associations caritatives et des fondations (ARC, FMR, FRM, etc.)
  • Les parures des premiers sédentaires au proche Orient : Innovations technologiques, symboliques et culturelles dans une organisation sociale complexe (Fondation Fyssen)
    2021-2022
    Contrats financés par des associations caritatives et des fondations (ARC, FMR, FRM, etc.)
  • The technical exploitation of the bone at Einan – Ain-Mallaha (Upper Galilee); Issues to assess by crossing data from the archaeozoology and osseous technology (Fondation Irene Levy Sala CARE archaeological Foundation)
    2020-2023
    Contrats financés par des associations caritatives et des fondations (ARC, FMR, FRM, etc.)
  • The Natufian site of Eynan – Ain Mallaha (Upper Jordan Valley, Israel). Study and publication of the materials of the excavations from 1996-2005 (Fondation Shelby-White and Leon-Levy de l’Université de Harvard, USA)
    2020-2023
    Contrats financés par des associations caritatives et des fondations (ARC, FMR, FRM, etc.)
  • Matières premières siliceuses entre Rhin et Escaut: constitution d’une lithothèque aux normes internationales, (UFA, Manifestations scientifiques de l’Université franco-allemande)
    Scharl S., Solène Denis, Collin J.-P.
    2022-2023
    Autres contrats européens
  • Exploring and dating the fauna from Beisamoun: a rare faunal assemblage from the 7th millennium cal BC
    Fanny Bocquentin Horwitz L.K.
    2021-2022
    Levi Sala Care Archaeological Foundation
  • Le début de la sédentarisation en Mésopotamie méridionale (7e-5e millénaires); site de Tell el Oueili, Iraq
    2019-en cours
    Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (FSPI « Revitaliser le patrimoine de l’Iraq »)
  • Structure des premières mégapoles (3e-1er millénaires); site de Larsa, Iraq
    2019-en cours
    Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (FSPI « Revitaliser le patrimoine de l’Iraq »)
  • Formation des entités territoriales et échanges interculturels en Mésopotamie
    Régis Vallet, Johnny Baldi
    Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
  • Les sociétés proto-urbaines de Haute Mésopotamie (5e-4e millénaires)
    Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Labex Les Passés dans le Présent
  • Tureng Tépé et l’Iran oriental, des origines à l’Age du Fer
    Régis Vallet, Julie Bessenay-Prolonge
    Fondation Shelby-White and Leon-Levy de l’Université de Harvard (USA), Labex Passés dans le Présent
  • Diffusion de l’Obeid et pratiques funéraires au 3e millénaire en Mésopotamie centrale
    Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères