RECHERCHE

Axe 3

Sociétés anciennes du Pacifique, d’Asie Maritime et d’Amérique sud-occidentale – PAmAs

Cet axe de recherche couvre des entités géo-culturelles très différentes dispersées sur plus de 15 000 kms dans l’Océan Pacifique, depuis le littoral asiatique jusqu’à l’extrémité de l’Amérique du sud. Cette dimension géographique, principalement orientée sur l’hémisphère sud, distingue cet axe 3 des deux autres consacrés à l’Ancien Monde. Mais, l’élément le plus évident qui nous unit est le caractère essentiellement maritime de nos domaines de recherche, qu’ils concernent les espaces côtiers, insulaires ou continentaux. Les sociétés qui se sont développées dans cette vaste zone sont très différentes, à la fois par leur mode de vie (chasseurs-cueilleurs, pêcheurs, horticulteurs, éleveurs, marchands, etc.), et par leur diachronie qui recouvre tout l’Holocène (et même au-delà) dans les zones continentales. Elle reste limitée aux deux derniers millénaires dans les îles dispersées au centre de l’océan Pacifique. L’ensemble des sociétés étudiées sont liées à la mer dont elles ont largement exploité les ressources marines. Leur maîtrise des techniques de navigation a permis le peuplement de certaines régions isolées et favorisé les contacts intercommunautaires (réseaux socio-politiques, cérémoniels, marchands, etc.). Quatre sous-axes permettent d’englober les différentes thématiques qui nous unissent, notamment les réponses techno-économiques apportées aux contraintes environnementales, l’impact des contacts interethniques, mais aussi celui de l’arrivée des Européens à partir du XVème siècle jusqu’à aujourd’hui.

Les recherches élaborées dans le cadre de ce sous-axe se donnent pour objectif de mettre en lumière les logiques techniques, les modalités d’adaptation, et les choix technologiques, économiques et culturels qui ont permis l’exploitation des ressources minérales et organiques par les sociétés anciennes d’Asie maritime, du Pacifique et de l’Amérique du Sud-Ouest. Notre programme de travail est fondé sur le socle méthodologique et conceptuel de la technologie culturelle et comporte plusieurs volets : (1) rendre compte des processus techniques utilisés pour extraire et transformer les ressources naturelles ; (2) déterminer les éléments structuraux et les logiques inhérentes aux systèmes techniques ; (3) et mettre en évidence les interactions entre systèmes techniques et organisations sociales. Notre approche vise à identifier et à définir les paramètres techniques qui caractérisent chaque activité : savoir-faire, outils et matériaux, conditions environnementales, et dimension spatio-temporelle des processus étudiés. L’analyse des vestiges archéologiques permettra de prendre en compte la qualité et les propriétés intrinsèques des matériaux exploités, la fonctionnalité des outils, l’organisation des processus techniques dans l’espace, ainsi que les traditions et les choix technologiques propres à chaque entité culturelle. Enfin, il s’agira de rendre compte du fonctionnement des phénomènes techno-économiques et des relations sociales qui y sont associées, mais aussi de la taille des territoires exploités et de l’accessibilité des ressources socialement valorisées vis-à-vis d’éventuels contrôles socio-politiques. Depuis les domaines continentaux jusqu’aux grandes îles d’arcs et aux petites îles océaniques, les milieux insulaires et côtiers pris en compte se caractérisent par différents degrés de diversités géologique et écologique ; et notamment par une distribution hétérogène des matériaux utilisés dans la production des cultures matérielles, et des ressources naturelles exploitées dans le cadre des activités de subsistance. Ces activités sont limitées par les contraintes environnementales mais sont également à l’origine de changements écologiques majeurs, que ce soit sur la densité et la répartition des espèces ou sur leurs habitats naturels. À travers l’exploration des systèmes techniques et la mise en évidence de phénomènes d’adaptation et d’innovation selon les milieux exploités, nos travaux s’attacheront aussi à décrire ces dynamiques socio-écosystémiques complexes qui se mettent en place lors du peuplement de nouvelles régions et de leur évolution sur la longue durée.

Les espaces insulaires et côtiers de l’Asie maritime, du Pacifique et de l’Amérique du Sud-Ouest constituent des environnements particuliers pour les sociétés anciennes qui les ont découverts et peuplés, s’y sont adapté, et y ont développé des modes d’organisation sociale originaux. Ces sociétés se caractérisent par une diversité d’organisations sociales et politiques, depuis les plus horizontales jusqu’aux plus verticales, avec des formes pré-étatiques comme dans les archipels de Hawai’i ou de Tonga, ou étatiques comme en Amérique du Sud, en Asie du Sud et du Sud-Est. L’analyse des trajectoires historiques et des mécanismes de leurs transformations permettra de comprendre l’émergence et l’évolution de ces constructions socio-culturelles dans leur contexte régional. Ces trajectoires de durée variable, qui débutent avec les premiers peuplements humains, seront examinées à la fois au niveau des tendances structurelles (techniques, économiques, symboliques et culturelles) et au niveau des transitions, dont on définira les formes, les durées et les implications aux échelles locales et régionales. La clarification du cadre chronologique des occupations humaines et des séquences chrono-culturelles reste une priorité dans la plupart des régions étudiées, et constitue un préalable à la reconstitution des trajectoires historiques. L’analyse des sociétés et de leurs interactions sera en outre fondée sur des approches multi-proxies intégrant en particulier l’étude des cultures matérielles, des pratiques funéraires, de la provenance des objets et des matériaux, et de paramètres biologiques mesurés sur l’humain, l’animal et le végétal. Les facteurs de changement seront évalués en termes de dynamiques internes et externes. On s’attachera à définir les processus de diversification, de différenciation, et d’adaptation dans des milieux où les conditions géographiques, climatiques et écologiques sont souvent contraignantes. L’étude des phénomènes de mobilité, à moyenne et longue distance, permettra de prendre en compte le rôle des mouvements migratoires et des systèmes d’échange dans la constitution et la formation d’entités socio-culturelles dont les trajectoires historiques sont interconnectées. Le facteur démographique, sous-jacent à l’ensemble des dynamiques historiques, sera également appréhendé à la lumière des conditions environnementales particulières et de la taille des territoires disponibles dans les espaces côtiers et insulaires d’Asie maritime, du Pacifique et de l’Amérique du Sud-Ouest.

Le sous-axe 3 concerne les modalités et les conséquences des contacts survenus entre les populations autochtones d’Asie maritime, d’Océanie et d’Amérique sud-occidentale et les Occidentaux. Ces contacts ont pu intervenir au moment des premières grandes explorations européennes, au XVème et au XVIème siècle, mais aussi beaucoup plus tard : au XIXème siècle voire même au XXème siècle pour certaines régions, par exemple en Papouasie Nouvelle-Guinée. Ils peuvent correspondre à des incursions ponctuelles, s’accompagner d’échanges d’objets, de matériaux et de denrées alimentaires, mais aussi conduire plus ou moins rapidement à des entreprises de colonisation et d’évangélisation – parfois accompagnées de conflits. Les travaux conduits au sein de ce sous-axe visent à reconstituer les dynamiques sociales, politiques, artistiques techniques et économiques, nées des interactions entre « l’Ancien » monde et le « Nouveau » monde. Dans certains contextes géographiques étudiés, l’archéologie des périodes les plus récentes est souvent émergente, voire même quasiment inexistante (c’est le cas par exemple en Polynésie française) ; développer la recherche en archéologie doit permettre d’approcher sous un angle nouveau les mécanismes de transmission, de continuité, de rupture, et d’appropriation culturelle qui se déploient dans ces moments charnières – tout en ouvrant la voie à des comparaisons transrégionales. Les recherches ne se limitent pas aux données matérielles, mais impliquent aussi les écrits produits à la fois par les acteurs locaux et par les Occidentaux. Des écrits qui sont souvent peu ou pas exploités, et dont l’identification et l’analyse représentent aussi un but, en soi. Plusieurs d’entre nous s’attacheront en particulier à mieux comprendre les transformations des pratiques matérielles survenues lors des premiers contacts, avec l’intégration de nouveaux matériaux et concepts techniques (le système métrique, le métal, le verre, etc.), l’apparition d’objets « composites » associant des formes existantes et importées, ou encore l’expansion du commerce. La christianisation est, en elle-même, vectrice d’importants changements, qui peuvent se traduire par exemple par des transformations survenues dans les pratiques funéraires, ou par des changements architecturaux. L’arrivée des Occidentaux s’est également traduite par des modifications notables dans les pratiques alimentaires, et par la survenue d’épidémies, qu’il est indispensable d’étudier à travers le prisme de l’histoire et de l’archéologie. Une archéologie des conflits et des luttes anticoloniales pourrait aussi, à l’avenir, prendre place au sein de ce sous-axe.

Les recherches expérimentales transdisciplinaires menées dans le sous-axe 4 sont à l’interface de l’Archéologie et de l’Ethnologie et peuvent conduire à des développements méthodologiques. Elles portent sur des groupes autochtones. Ces groupes pourraient correspondre à des minorités parfois marginalisées par les nations. C’est le cas de nombreux groupes en Amazonie ou en Asie du Sud-Est à l’instar de certains chasseurs-collecteurs forestiers ou bien des nomades marins. Ces travaux sur l’histoire des groupes autochtones (« indigenous archaeology ») peuvent être menés en collaboration avec les communautés. L’archéologie vise alors la co-construction du savoir et d’une histoire. C’est une approche multivocale qui prévaut où l’archéologue doit confronter les différents registres de savoirs. Une démarche réflexive est au cœur de ces travaux, la restitution de cette histoire auprès des groupes concernés et jusqu’à son éventuelle valorisation avec la patrimonialisation des vestiges associés. Ces recherches pluridisciplinaires engagent souvent ethnohistoire, ethnologie, géographie, ethnolinguistique œuvrant en synergie avec l’archéologie et ne doivent pas être confondues avec l’archéologie publique (« public archaeology ») qui relève de la valorisation et de l’éducation d’un très large public. En raison de structures politiques et sociales (présence de chefferies traditionnelles ou non, de systèmes d’affiliation particuliers dans les communautés, etc.) et des trajectoires historiques variées dans les différentes régions investies dans ce sous-axe, les recherches présentent une grande diversité. L’archéologie peut chercher à renseigner l’histoire sur la longue durée de groupes actuellement minoritaires ou colonisés. Elle peut investiguer une histoire assez récente ou plus ancienne. Elle peut ainsi enregistrer des pratiques, cartographier un territoire et participer d’un ancrage spatio-temporel de ces groupes aujourd’hui parfois évincés. L’archéologie de ces groupes que certains anthropologues analysent comme « libertaires » (Formoso) ou « anarchiques » (J. Scott), contribue non seulement à fournir une histoire de ces communautés souvent considérées comme « anhistoriques » mais aussi en miroir de celle des groupes actuellement dominants. Lorsqu’il s’agit d’une histoire plus ancienne, les recherches à caractère ethnoarchéologique ont pour objectif de développer des méthodologies afin de repérer les vestiges attribuables à ces groupes. Au-delà de leur histoire ancienne, il s’agit de déterminer leur rôle dans les échanges et les diffusions culturelles au sein de larges espaces maritimes et insulaires. Elle participe d’une archéologie systémique qui s’intéresse aux contributions des différents groupes au sein des trajectoires historiques régionales.

Liste des programmes de recherche en cours

  • Mission archéologique franco-Thaïe en péninsule Thaï-Malaise, Silpakorn
    2005-en cours
    Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, Mission archéologique
  • Mission Archéologique française en Thaïlande-Birmanie Péninsulaire. Projet Tanintharyi and the early Maritime Silk Roads
    2017-en cours
    Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, Mission archéologique
  • Batchelor : un site de contact entre indigènes et navigateurs dans le détroit de Magellan au XVIIème siècle
    2018-2022
    Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, Mission archéologique
  • Enclaves Polynésiennes au Vanuatu : Archéologie funéraire et définition des migrations polynésiennes
    2017-en cours
    Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, Mission archéologique
  • The First Polynesians: Their Origins, Lifeways and Environmental Challenges (project ID DP200102872)
    Clark G., Reepmeyer C., Frédérique Valentin
    2020-en cours
    Australian Research Council (équivalent ANR en Australie)
  • Entre el mar y la tierra: Arqueología del seno Skyring, Otway y Obstrucción, un espacio de interacción cultural y ambiental durante el Holoceno tardío en Patagonia (Iniciación Nº 11200969)
    2022-2023
    FONDECYT, Chili
  • Caractérisation des géomatériaux et mobilité des populations anciennes du Désert d’Atacama (ECOS SUD – ANID, C20H02)
    Pierre Allard, Santoro C. M. (IAI Chili)
    2020-2023
    FONDECYT, Chili
  • Arqueología y ambiente: interacción cultural en Fuego-Patagonia durante los ultimo milenios / « Archéologie et environnement : interaction culturelle en Patagonie et Terre de Feu au cours des derniers millénaires.
    2020-2023
    ECOS-ANID C19H0 2, Projet de mobilité scientifique France-Chili
  • La Diáspora de Atacama. Red global de objetos precolombinos, coleccionistas y museos entre 1850 y 1950 (FONDECYT REGULAR, Chili)
    2021-2025
    ANID-FONDECYT REGULAR, Chili
  • Colores, Polvos y Minas del Período Intermedio Tardío. Biografías pigmentarias del Desierto de Atacama (FONDECYT REGULAR, Chili)
    2019-2022
    ANID-FONDECYT REGULAR, Chili
  • Des artefacts au cœur des marges
    2020-2021
    AP MAE/MSH Mondes
  • Techno-économie comparée des productions en matières dures d’origine animale chez les chasseurs-cueilleurs de la côte pacifique du Chili (IIIème et IVème régions) à l’Archaïque moyen-récent
    2020-2021
    Aide à la recherche doctorale de l’Institut des Amériques
  • Teti’aroa archaeology project (Seeley Foundation grant)
    2015-en cours
    Contrats financés par des associations caritatives et des fondations (ARC, FMR, FRM, etc.)
    Seeley Foundation
  • Les expressions symboliques chez les chasseurs-cueilleurs terrestres et maritimes de « Fuego-Patagonia » (Chili) : techniques et codes visuels de l’art rupestre
    2020-2021
    Fondart, Chili
  • Les néo-tailleurs d’obsidienne de Pachuca
    2022-2023
  • Andean Potter’s Knowledge: Ceramic Production, Circulation and Use in Southern Ecuador and Northern Peru
    Gabriel Ramón Catherine Lara Martha Bell
    2021-2023
    Pontificia Universidad Católica del Perú, IFEA
    Endangered Material Knowledge Programma (British Museum)
  • An archaeological investigation of Inca Mitmaq colonies in southern Ecuador: exploring imperial impacts, ethnicity and inter-ethnic relations through technologies of pottery production
    Tamara Bray, Catherine Lara
    2021-2023
    Wayne State University, IFEA
    Fondation Gerda Henkel, Rust Foundation (SAA), H. and T. King Grant for Precolumbian Archaeology